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HISTOIRE GEOGRAPHIE CITOYENNETE

490 - La bataille de Marathon selon Hérodote

14 Avril 2011, 23:00pm

Publié par histege

490 – LA BATAILLE DE MARATHON SELON HÉRODOTE

 

Hérodote, voyageur, géographe et historien grec (ca 484 - 425), né dans la cité d’Halicarnasse (Asie Mineure) relate la bataille de Marathon, lors de la première guerre médique, qui voit s’affronter les Perses et leurs alliés d’une part et les Athéniens et les Platéens d’autre part.

 

         « Marathon.

 

Maîtres d'Érétrie, les Perses s'y arrêtèrent quelques jours, puis ils reprirent la mer pour gagner l'Attique, pleins d'ardeur et persuadés qu'ils en feraient d'Athènes comme d'Érétrie. Comme Marathon était en Attique le point le plus propre aux manœuvres de la cavalerie et le plus proche aussi d'Érétrie, c'est là qu'Hippias fils de Pisistrate conduisit les Perses.

Instruits de leur arrivée, les Athéniens se portèrent en forces, eux aussi, à Marathon. Ils avaient à leur tête dix stratèges, et, parmi eux, Miltiade dont le père, Cimon fils de Stésagoras, avait dû quitter Athènes pour échapper à Pisistrate fils d'Hippocrate. Pendant son exil Cimon avait vu triompher son quadrige aux Jeux Olympiques, victoire que son frère utérin Miltiade avait également obtenue avant lui ; aux Jeux suivants il avait encore triomphé avec le même attelage, mais il avait fait proclamer vainqueur Pisistrate, et, par cette complaisance, il avait obtenu la permission de revenir chez lui. Les mêmes bêtes lui donnèrent la victoire une fois encore aux Jeux Olympiques ; puis les fils de Pisistrate le firent périr, quand leur père ne fut plus là : ils le firent tuer une   nuit par des hommes à eux embusqués près du prytanée. Son tombeau se trouve à l'entrée de la ville, au delà de la route qu'on appelle la route de Coilé ; les chevaux qui lui ont donné ses trois victoires olympiques ont été enterrés en face de lui. Un autre attelage avait déjà remporté le même succès, celui du Laconien Évagoras, mais aucun n'en a connu davantage. L'aîné des fils de Cimon, Stésagoras, vivait à cette époque en Chersonèse chez son oncle paternel Miltiade, tandis que le cadet se trouvait à Athènes avec son père ; il portait le nom de ce Miltiade, le fondateur de la colonie établie en Chersonèse.

Ce Miltiade, donc, revenu de Chersonèse après avoir échappé deux fois à la mort, était l'un des stratèges athéniens : d'abord, les Phéniciens qui l'avaient poursuivi jusqu'à Imbros voulaient absolument s'emparer de lui et le mener au Grand Roi ; puis, de retour chez lui après leur avoir échappé, il se croyait alors en sécurité, mais ses ennemis l'attendaient et l'avaient traîné devant les tribunaux en l'accusant de s'être conduit en Chersonèse comme un tyran. Il s'était également tiré de cette affaire, et le peuple l'avait nommé stratège.

D'abord, avant de quitter la ville, les Stratèges dépêchèrent à Sparte un héraut, Philippidès, un Athénien, qui était courrier de profession. Or, selon ce qu'il raconta et le rapport qu'il fit au peuple athénien, ce Philippidès vit près du mont Parthénion, au-dessus de Tégée, le dieu Pan lui apparaître : le dieu l'appela par son nom, dit-il, et lui ordonna de demander aux Athéniens la raison de leur négligence à son égard, alors qu'il avait pour eux de la bienveillance, qu'il leur avait souvent déjà rendu service et le ferait encore. — Quand les Athéniens se virent hors de danger, ils ajoutèrent foi au récit de leur messager et fondèrent un sanctuaire de Pan au pied de l'Acropole ; depuis cet avertissement du dieu, ils se concilient tous les ans sa bienveillance par des sacrifices et par une course aux flambeaux.

Ce Philippidès, que les stratèges envoyaient à Sparte et qui vit en route, dit-il, le dieu Pan lui apparaître, fut à Sparte le jour qui suivit son départ d'Athènes ; quand il fut en présence des magistrats, il leur dit : « Lacédémoniens, les Athéniens vous prient de les secourir et de ne point tolérer que la plus ancienne des cités de la Grèce tombe sous le joug du Barbare. Érétrie déjà est esclave, et la Grèce qui perd une ville insigne est désormais moins forte ». Donc le héraut s'acquitta de son message, et les Lacédémoniens résolurent de secourir Athènes, mais il leur fut impossible de le faire aussitôt, car ils ne voulaient pas enfreindre leur loi : c'était le neuvième jour du mois et, dirent-ils, ils ne partiraient pas en expédition au neuvième jour d'un mois, avant que la lune fût dans son plein.

Ils attendirent donc la pleine lune, tandis qu'Hippias fils de Pisistrate menait les Barbares à Marathon. La nuit d'avant, il avait fait un songe : il s'était vu couché près de sa propre mère; il en avait conclu qu'il rentrerait à Athènes, y reprendrait le pouvoir et terminerait ses jours dans sa terre maternelle, chargé d'années. Voilà comment il interprétait son rêve, et pour l'instant il dirigeait l'expédition perse ; il avait fait déposer les Érétriens captifs dans l'île qu'on appelle Aigilia et qui appartient à la ville de Styra, ensuite il amena les navires devant Marathon où il leur fit jeter l'ancre ; puis les Barbares débarquèrent et il leur assigna leurs postes. Au milieu de ces préparatifs, il se prit à éternuer et tousser plus fort qu'à l'ordinaire ; or il était déjà vieux, et ses dents étaient branlantes pour la plupart : il toussa si fort qu'il en cracha une. Il fit tout ce qu'il put pour la retrouver dans le sable où elle était tombée, mais elle demeura invisible ; alors en soupirant il dit à ceux qui l'entouraient : « Ce sol n'est pas à nous, nous ne pourrons pas nous en rendre maîtres : ma dent a pris toute la part qui m'en revenait ».

C'est ainsi qu'Hippias jugea son rêve accompli. Cependant les Athéniens avaient pris position sur le terrain consacré à Héraclès ; les Platéens vinrent les y rejoindre avec la totalité de leurs forces, car ils s'étaient donnés aux Athéniens, et ceux-ci avaient déjà fait beaucoup pour eux. Voici comment cela s'était produit : menacés par les Thébains, les Platéens avaient d'abord recherché la protection de Cléomène fils d'Anaxandride et des Lacédémoniens qui se trouvaient dans la région. Ceux-ci repoussèrent leur demande en ces termes : «Nous habitons trop loin de vous, et notre aide ne vous arriverait jamais à temps : vous seriez écrasés bien avant qu'on ait entendu chez nous parler de quelque chose. Mais nous vous conseillons de vous donner aux Athéniens, qui sont vos voisins et qui ne seront certes pas incapables de vous secourir ». Ce conseil venait moins de leur sympathie pour Platées que de leur désir de susciter des ennuis aux Athéniens, en les opposant aux Béotiens. Ils donnèrent donc ce conseil aux Platéens, et ceux-ci les écoutèrent : pendant un sacrifice que les Athéniens offraient aux Douze Dieux, ils se postèrent en suppliants près de l'autel et se mirent sous la protection d'Athènes. À cette nouvelle les Thébains marchèrent contre Platées ; de leur côté les Athéniens vinrent au secours de la ville. Ils allaient engager le combat lorsque des Corinthiens qui se trouvaient là s'interposèrent : les deux parties acceptèrent leur arbitrage, et ils tracèrent les frontières du territoire contesté, en posant pour condition que les Thébains laisseraient tranquilles les peuples de Béotie qui refuseraient de s'associer au groupe des Béotiens. Donc les Corinthiens décidèrent, et ils partirent ; mais au moment où les Athéniens se retiraient à leur tour, les Béotiens les attaquèrent : un combat s'engagea, qui se termina par la défaite des agresseurs. Les Athéniens reculèrent alors la frontière que les Corinthiens avaient indiquée pour Platées, et ils donnèrent pour limite à Thèbes, du côté de Platées et d'Hysies, le cours même de l'Asopos. Donc les Platéens s'étaient donnés aux Athéniens dans les circonstances rapportées ici, et ils vinrent alors au secours d'Athènes, à Marathon.

Les stratèges athéniens se trouvaient partagés en cieux camps : les uns ne voulaient pas engager le combat, — les Athéniens, disaient-ils, n'étaient pas assez nombreux pour affronter l'armée des Mèdes — ; les autres, avec Miltiade, le voulaient. Les avis s'opposaient, et le parti le moins bon l'emportait : or un onzième personnage avait le droit de voter, l'homme désigné par le sort pour exercer les fonctions de polémarque (autrefois les Athéniens donnaient au polémarque une voix égale à celle des Stratèges). Le polémarque était alors Callimaque d'Aphidna. Miltiade alla le trouver et lui dit : « C'est à toi, Callimaque, qu'il appartient aujourd'hui ou d'asservir Athènes, ou de la rendre libre et, ce faisant, de laisser aux hommes un nom à tout jamais glorieux, plus glorieux encore que ceux d'Harmodios et d'Aristogiton. Depuis qu'Athènes existe, jamais elle n'a couru de danger plus terrible : si elle s'incline devant les Mèdes, le sort des Athéniens livrés à Hippias est clair ; si elle l'emporte, elle peut espérer la première place en Grèce. Comment ? Et comment se fait-il que tout dépende aujourd'hui de toi ? Je vais te l'expliquer. Nous, les stratèges, nous sommes dix et nos avis sont partagés : les uns veulent livrer bataille, les autres s'y refusent. Or, si nous n'engageons pas le combat, je prévois que la discorde grandissante ébranlera les esprits et poussera les Athéniens dans les bras du Mède ; si nous combattons avant que cette gangrène n'ait fait des ravages, nous pouvons, si les dieux demeurent impartiaux, triompher dans cette rencontre. Donc, tout repose sur toi maintenant, tout dépend de toi : si tu te ranges à mon avis, ta patrie est libre, ta ville est la première des cités grecques ; si tu choisis le parti des hommes qui refusent le combat, ce sera pour toi le contraire exactement des biens que je t'ai dits ».

Les arguments de Miltiade gagnèrent Callimaque, et la voix du polémarque fut décisive : on résolut d'engager la bataille. Mais alors les stratèges qui avaient demandé le combat cédèrent l'un après l'autre le commandement à Miltiade, lorsque venait leur tour de l'exercer pour la journée ; et Miltiade l'acceptait, mais il attendit pour livrer bataille le jour où il lui revenait normalement.

Ce jour-là, les Athéniens prirent leurs dispositions pour la bataille : l'aile droite était commandée par Callimaque, le polémarque (les Athéniens avaient alors pour règle de donner l'aile droite au polémarque). Après lui venaient les tribus, rangées l'une à côté de l'autre, dans l'ordre où elles étaient comptées ; en dernier lieu les Platéens formaient l'aile gauche. — Depuis ce combat, lorsque les Athéniens sacrifient pendant leurs grandes fêtes quadriennales, le héraut dans sa prière appelle la protection divine sur Athènes et Platées conjointement. A Marathon, la ligne de bataille des Athéniens présenta cette particularité : comme elle était aussi longue que celle des Mèdes, le centre, fort de quelques rangées d'hommes seulement, en était le point le plus faible, tandis que les ailes étaient bien garnies et solides.

Les hommes avaient pris leurs positions, les sacrifices étaient favorables ; alors les Athéniens, lâchés contre les Barbares, les chargèrent en courant. Huit stades au moins séparaient les deux armées. Quand les Perses les virent arriver au pas de course, ils se préparèrent à soutenir le choc, mais ils les prenaient pour des fous courant à leur perte, ces hommes si peu nombreux qui attaquaient en courant, sans cavalerie et sans archers. Ce fut leur première impression ; mais les Athéniens les assaillirent bien groupés et combattirent avec une bravoure admirable. Ils furent, à notre connaissance, les premiers des Grecs à charger l'ennemi à la course, les premiers aussi à soutenir la vue du costume mède et d'hommes ainsi équipés ; jusqu'alors, le nom seul des Mèdes suffisait à épouvanter les Grecs.

La bataille de Marathon fut très longue. Au centre les Barbares l'emportèrent, là où se trouvaient les Perses eux-mêmes et les Saces ; là, les Barbares victorieux enfoncèrent les lignes des Athéniens et les poursuivirent loin du rivage, mais aux deux ailes Athéniens et Platéens l'emportèrent. Vainqueurs, ils laissèrent fuir leurs adversaires, groupèrent leurs deux ailes pour lutter contre les éléments qui avaient enfoncé leur centre, et ils eurent la victoire. Ils poursuivirent les Perses en fuite et les taillèrent en pièces jusque sur le rivage, et là, ils s'accrochaient aux vaisseaux ennemis et demandaient du feu pour les incendier.

Le polémarque Callimaque périt dans cette affaire où il fit preuve d'une grande vaillance, et l'un des Stratèges, Stésilaos fils de Thrasylaos, y mourut également ; Cynégire fils d'Euphorion, qui s'accrochait à la poupe d'un navire, tomba, la main tranchée d'un coup de hache, et bien d'autres Athéniens illustres avec lui.

Sept des vaisseaux perses restèrent ainsi aux mains des Athéniens ; les autres purent se dégager et les Barbares, après avoir repris leurs captifs d'Érétrie dans l'île où ils les avaient déposés, contournèrent le cap Sounion, dans l'intention de surprendre Athènes avant le retour de ses troupes. Les Athéniens accusent les Alcméonides de leur avoir suggéré cette manoeuvre : ils auraient été d'intelligence avec les Perses et, sitôt ceux-ci remontés sur leurs navires, leur auraient fait des signaux en levant en l'air un bouclier.

Donc les Perses contournèrent le cap Sounion, mais les Athéniens coururent à toutes jambes au secours de leur cité et devancèrent les Barbares ; partis d'un sanctuaire d'Héraclès à Marathon, ils installèrent leur camp dans un autre sanctuaire d'Héraclès, au Cynosarge. Les Barbares, arrivés avec leurs navires à la hauteur de Phalère (où mouillaient alors les navires athéniens), restèrent quelque temps à l’ancre, puis reprirent la mer et regagnèrent l’Asie.

Dans cette bataille de Marathon, les Barbares perdirent six mille quatre cents hommes environ, les Athéniens cent quatre-vingt douze. Voilà le    total des pertes subies dans les deux camps. Un fait curieux s'y produisit : un Athénien, Épizèlos fils de Couphagorras, perdit soudain la vue tandis qu'il luttait en homme de cœur au milieu de la mêlée, et ce sans avoir reçu le moindre coup, ni de près ni de loin ; dès, lors il fut aveugle pour le restant de sa vie. Voici, m'a-t-on dit, comme il expliquait son malheur : il avait cru voir devant lui un homme de haute taille, en armes, dont la barbe recouvrait tout le bouclier ; l'apparition avait passé sans le toucher, mais avait tué son camarade à côté de lui. Voilà, m'a-t-on dit, l'histoire que racontait Épizèlos. »

 

Hérodote - L’enquête. Thucydide d’Athènes – Histoire de la guerre entre les Péloponnésiens et les Athéniens, traduction Denis Roussel, Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1964, p. 444-450.

 

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A
<br /> xiaozhu...........................<br /> <br /> <br />
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