Différents, mais égaux. Les Roms face à l'adversité - 5e - 2010
DIFFERENTS, MAIS ÉGAUX
Lecture – L’exemple des Roms aujourd’hui en France, en butte à l'adversité.
« Qui sont les Roms ?
Roms, tsiganes, manouches… On parle beaucoup d’eux sans même les connaître. Essayons d’y voir plus clair.
D'où viennent-ils ? À l'origine, il s'agit de populations vivant dans le nord-ouest de l'Inde. Après bien des péripéties, elles se sont installées en Europe de l'Est à partir du 14e siècle. Presque tous parlent des variantes du romani, une langue qui vient du sanskrit, la langue sacrée de l'Inde ancienne.
Roms, tsiganes, gens du voyage... Quelles sont les différences ?
> Le terme "rom", qui signifie "homme" en romani, renvoie à l'histoire commune des populations originaires du nord-ouest de l'Inde. C'est aussi une appellation politique choisie en 1971 par les Roms eux-mêmes, réunis en congrès mondial.
> Avec le temps, ce mot a fini en France par devenir un synonyme de Tsigane, et rassembler des gens qui, selon les lieux, portent des noms différents : Roms dit orientaux, établis au départ en Europe de l'Est, Manouches pour ceux qui ont vécu dans les pays germanophones, Sintis pour ceux qui sont installés en Italie, Gypsies en Grande-Bretagne et Gitans pour les tsiganes de Camargue et d'Andalousie.
> "Gens du voyage" est une catégorie juridique qui existe depuis 1971. Elle concerne les personnes de nationalité française sans domicile ni résidence fixe. Dès 16 ans, celles-ci ont l'obligation de posséder un document de circulation qu'elles font valider régulièrement auprès d'un commissariat ou d'une gendarmerie. À la limite, un SDF pourrait le demander.
> La grande difficulté de parler des Roms (ou Tsiganes) est que les populations elles-mêmes (manouches, gitans...) se sont forgées des identités liées à des migrations différentes. Elles n'ont pas envie de se retrouver sous une même étiquette ! Ainsi, ceux qui vivent en France depuis très longtemps ne se sentent pas forcément proches des Roms qui viennent d'arriver d'Europe de l'Est.
Sont-ils nomades ? 85 % de Roms français sont sédentaires : ils ont une résidence principale. Quant aux 15 % des Roms qui se déplacent, il est plus juste de parler de mobilité que de nomadisme. Être nomade est un choix. Or, ces Roms sont obligés de voyager pour des raisons économiques (ils travaillent de marché en marché) ou matérielles (ils sont expulsés les terrains sur lesquels ils sont installés). Beaucoup préféreraient vivre plus tranquillement.
Où peuvent-ils s’installer ? Depuis 1990, la loi française oblige les communes de plus de 5 000 habitants à prévoir une aire d'accueil pour les voyageurs. Vingt ans après, seulement 40 % des communes respectent cette obligation. Les gens du voyage et les Roms non-français s'installent donc souvent sur des terrains, le plus souvent abandonnés et insalubres, qui ne leur appartiennent pas. Dans ce cas, il est facile aux autorités de les chasser.
Sont-ils français ? Oui, pour a plupart. La majorité des Roms qui vivent dans notre pays sont des citoyens français et cela, depuis très longtemps. On retrouve leurs traces dans nos archives depuis 1419 ! Seule une petite partie des Roms présents en France n'est pas française. Mais presque tous sont citoyens de l'Union européenne. C'est le cas des Roms roumains ou bulgares, par exemple.
Ont-ils toujours été exclus ? La méconnaissance et le rejet des Roms sont l'une des choses d'Europe les mieux partagées depuis des siècles. Quand les premières familles sont arrivées en France, au 14e siècle, des préjugés ont commencé à circuler. Six siècles plus tard, ce sont toujours les mêmes clichés : ils sont malfaisants, voleurs, sales.
Le gouvernement français a-t-il le droit de les expulser ? En annonçant fin juillet qu'il démantèlerait tous les camps illégaux des Roms et des gens du voyage, Nicolas Sarkozy a semé la confusion. Il visait en fait les Roms de Roumanie et de Bulgarie, que la France expulse régulièrement : environ 10 000 ont été renvoyés en 2009.
> Les réactions ont été nombreuses. Les gens du voyage se sont sentis agressés. Le pape a exprimé sa désapprobation. Des expulsions ont été annulées par les tribunaux car elles n'étaient pas fondées sur des motifs légaux (comme le trouble à l'ordre public).
> La France ne respecte pas le droit international. Il est interdit d'expulser des familles ou des groupes. Seuls des individus peuvent l'être pour des raisons précises. Enfin, n'oublions pas que les Roms roumains et bulgares sont des citoyens de l'Union européenne : ils ont le droit de circuler entre les pays européens.
En chiffres
> De 9 à 12 millions de Roms en Europe. C’est la première minorité.
> En France : entre 10 000 et 15 000 de Roms roumains.
MARION GILLOT
* Un grand merci à Jean-Pierre Liégeois, sociologue. À lire: Roms et Tsiganes (éd. de La Découverte, 9,50 €). »
Source : Le Monde des ados, n°238, 29 septembre 2010, p. 8-9.