Le Proche-Orient antique 6e - 2009-2010
LE PROCHE-ORIENT ANTIQUE
Histoire
Chap 1 p 12-29.
Le Proche-Orient correspond en grande partie au milieu désertique, traversé par quelques grands fleuves. C’est en bordure des fleuves que les hommes inventent l’agriculture vers 8 000 ans avant J.-C. Une partie des nomades deviennent progressivement sédentaires : apparaissent les premiers villages, puis les premières villes.
D’abord, il s’agit de comprendre l’organisation des premiers Etats connus.
I. LES PLUS ANCIENS ETATS CONNUS DU MONDE
1) Naissance de la cité-État en Mésopotamie : l’exemple d’Uruk
Comment s’organise la cité-Etat d’Uruk ?
1) une ville
o née de la fusion de deux villages (Kullab et Eanna) à la fin du Ve millénaire avant J-C. Elle devient une véritable ville au IVe millénaire
o délimitée physiquement par des remparts que la tradition attribue à Gilgamesh : 9.5 km de périmètre pour une superficie de 400 hectares
o possédant des fonctions complexes :
§ politique : un palais où réside un roi qui gouverne, aidé par des fonctionnaires. Gilgamesh, personnage légendaire qui repose probablement sur une existence historique est le prototype du roi : doté d’une force surhumaine, il passe d’abord pour débauché, orgueilleux et tyrannique, avant d’accéder à la sagesse et de se consacrer au bonheur de son peuple (roi bâtisseur : remparts, canaux…)
§ religieuse (espaces sacrés) et intellectuelle
§ artisanale (transformation des produits) et commerciale : vente des surplus agricoles et des produits de l’artisanat (entrepôts, magasins, marchés).
2) Un vaste territoire formé par la campagne (villages et champs cultivés) et le désert.
3) la ville et le reste du territoire sont unis par des relations de domination et d’échanges : la ville est le centre du pouvoir et le lieu de l’accumulation de la richesse ; la campagne et le désert forment une périphérie dominée et exploitée.
4) La cité-Etat entretient des relations (commerciales, diplomatiques et militaires) avec l’extérieur.
Schéma d'une cité-Etat du Proche-Orient ancien (hors Egypte)
2) Un État pharaonique :
l’Égypte
Vers 3200 avant J.-C., la tradition raconte que l’Egypte est unifiée sous
l’autorité du roi Narmer (ou encore Ménès, peut-être son surnom).
Le pharaon (ce terme n’est employé que tardivement, vers 1600 avant JC) est représenté avec des symboles qui indiquent son pouvoir, fortement concentré :
- pouvoir religieux (sacré) : le pharaon est un homme, mais qui occupe une fonction divine, la royauté, intermédiaire entre les hommes et les dieux. La barbe postiche marque l’immortalité. C’est le représentant des hommes et des dieux sur terre.
- pouvoir politique : celui de commander (sceptre, bâton de commandement)
- pouvoir militaire : chef de l’armée (cobra : défense de l’Egypte)
- pouvoir judiciaire : celui de juger et de punir (fléau)
3) Des sociétés hiérarchisées
Les sociétés du Proche-Orient sont généralement hiérarchisées (pouvoir), inégalitaires (richesse) et contrôlées (population). Les fonctionnaires (vizir : sorte de ministre des affaires intérieures, gouverneurs de provinces et scribes) aident le « roi-prêtre » mésopotamien ou le
pharaon à gouverner. Le pouvoir est donc également centralisé.
II. LES HOMMES ET LES
DIEUX
1) Des sociétés polythéistes
Les hommes sont polythéistes : ils croient en l’existence de plusieurs dieux. Des milliers chez les Mésopotamiens (avec des religions distinctes) et plusieurs dizaines chez les Egyptiens. Ils forment parfois des groupes, appelés panthéons, voire des familles. Il y a une hiérarchie entre eux ; chacun a un rôle particulier.
Les dieux mésopotamiens ont une forme humaine, chose moins fréquente parmi les dieux égyptiens (Rê, Osiris, Isis…). La plupart de ces derniers ont une part animale (Horus : corps d’homme et tête de faucon ; Anubis : une tête de chacal, Apopis : serpent…).
Des récits racontent la vie des dieux, que nous appelons aujourd’hui mythes. Le principal caractère des dieux qui les distingue des hommes est qu’ils sont immortels.
Exemple : le mythe d’Osiris. Osiris est un pharaon qui aurait inventé l’agriculture et donné des lois aux Egyptiens. Parti en voyage, son frère Seth en profite pour prendre le pouvoir. A son retour, Seth l’enferme dans un sarcophage et le jette dans le Nil. Sa femme et sœur Isis retrouve le corps. Seth le découpe alors en plusieurs morceaux qu’il disperse dans le Nil. Isis retrouve un à un les morceaux et, aidée du dieu Anubis, lui rend en partie la vie, en le momifiant, mais comme roi du royaume des morts. Horus réussit à venger son père en renversant son oncle Seth : il devient lui-même pharaon.
Voici quelques grands dieux sumériens :
- Anu : dieu suprême, ancêtre de tous les dieux. Son épouse est Ki, la terre. Son temple principal est à Uruk, dans le quartier de Kullab.
- Inanna (Ishtar) : déesse de l’amour, de la sexualité et de la guerre. Elle est la compagne ou l’associée d’Anu. C’est la déesse dominante et possède son temple principal à Uruk, dans le quartier de l’Eanna. Elle a le pouvoir de tout inverser.
- Enlil : « dieu de tous les pays », il a créé la terre et l’a séparée du ciel. Dieu du vent,
il est à la fois bénéfique et maléfique. C’est lui qui a provoqué le déluge pour faire périr les hommes.
LE DELUGE
Une version sumérienne (vers 1700 avant JC) raconte que cinq villes saintes (précédemment créées : Eridu, Badtibira, Larag, Sippar, et Shuruppak) sont frappées par un déluge qui détruit l’humanité pendant 7 jours et 7 nuits. Seul le roi Ziusudra (« celui qui a la vie longue ») réussit à y échapper et reçoit l’immortalité avec le droit de résider dans l’île de Tilmun (aujourd’hui Bahraïn) :
« (...) les dieux de l'Univers ayant (juré) par le nom d'An et d'Enlil, (alors) le roi Ziusudra, (...) (...) se tenant près des murs, entendit (...) « O mur, je désire te parler, (écoute) ma parole, Prête l'oreille à mes instructions : Sur toutes les demeures (?), sur les villes, la tempête va se (déchaîner) (pour) la destruction de la descendance de l'humanité la sentence finale, la décision de l'assemblée, la parole prononcée par (les dieux) An, Enlil, et Ninhursag (sera) la chute de la royauté... » Et tous les vents ravageurs et les ouragans furent au rendez-vous, la tempête balaya les villes, Après que la tempête eut balayée le pays pendant sept jours el sept nuits, Et que le vent ravageur eut balloté l'énorme bateau sur les eaux le soleil apparut, illuminant la terre et le ciel Ziusudra pratiqua l'ouverture de l'énorme bateau, le roi Ziusudra se prosterna devant le dieu-soleil, le roi immola des taureaux et des moutons en grand nombre. »
Traduction M. Civil. |
- Enki (Ea). « Seigneur de la terre », qui apporte des eaux douces et fertilisantes. Dieu de la sagesse, de l’artisanat et de la civilisation. Il est le créateur de l’humanité et donc l’ami des hommes. L’homme est créé à partir de l’argile et à l’image des dieux.
LA CREATION DE L'HOMME
« Pétris le cœur de l’argile qui est à la surface de l’Abîme, les bons et magnifiques modeleurs épaissiront cette argile (…) Ô ma mère, décide le destin du nouveau-né Ninmah fixera sur lui l’image ( ?) des dieux : C’est l’homme (…) » |
Plus tard, d’autres dieux monteront en puissance (Assur, puis Mardûk et Baal).
Les dieux interviennent constamment dans la vie des hommes :
ils les protègent, en cherchant à faire régner l’harmonie. Les hommes cherchent, eux, à leur être agréables, en leur rendant un culte (prières, offrandes, sacrifices…). Ils ont l'obligation de suivre les commandements et les interdits fixés par les dieux,
sous peine de sanctions (individuelles ou collectives : destruction de cité...).
2) Une architecture pour les dieux
Les hommes, en particulier, bâtissent des temples et
des ziggourats aux dieux.
- Au IVe
millénaire, à Uruk, les temples sont généralement de forme rectangulaire (basilicale), avec une grande pièce formant un T, bordée de nombreuses petites
pièces. Ils sont construits en brique et souvent sur des terrasses. Exemples : les temples C et D du quartier de l’Eanna, consacrés à Inana.
La construction d’un temple pour consacrer la victoire d’Inana sur l’Ebih
« Aussi ai-je élevé un temple Où j'ai inauguré de grandes choses : Je m'y suis érigé un trône inébranlable ! J'y ai donné aux kurgarrû poignard et épée, Tambourin et tambour aux invertis, J'y ai changé le sexe des assinnu ! »
Les assinnu sont des hommes et les kurgarrû des femmes, au service d’Inana, qui peut changer leur sexe. |
- Les hommes élèvent des pyramides à degrés, appelées ziggourats, surmontées d’un temple, en brique, comme celles d’Anu et d’Inana à Uruk ou de Babylone (« tour de Babel » avec ses jardins
suspendus).
La zigourrat d'Inana à Uruk, situation actuelle.
3) Le culte des morts
Les Égyptiens sont soumis au jugement d’Osiris. Le dieu Anubis emmène le mort vers la balance : son cœur est pesé face à une plume de la déesse de la justice Mâat. Thôt, dieu de l’écriture, note le résultat. S’il est plus lourd, il est mangé par Amit, un monstre. Sinon, le dieu Horus l’emmène vers son père, Osiris. Il doit alors réciter sans faute les prières du Livre des morts. S’il y parvient, c’est qu’il a fait plus de bien que de mal : il aura le droit de vivre éternellement dans les « champs d’Ialou » (royaume des morts).
Le livre des morts
« Salut, Dieu, Grand Seigneur de Vérité et de Justice, Laisse-moi contempler ta rayonnante beauté ! Je connais ton nom magique et ceux de quarante deux divinités Qui dans la salle de Vérité-Justice t’entourent ! Je n’ai pas usé de violence contre ma parenté… Je n’ai pas commis de péché contre des hommes Je n’ai pas fait travailler pour moi avec excès Je n’ai pas maltraité mes serviteurs Je n’ai pas laissé avoir faim Je n’ai pas fait pleurer Je n’ai pas tué ni ordonné de tuer Je n’ai pas réduit la nourriture dans les temples Je n’ai pas diminué le pain des dieux (…). »
papyrus égyptien XVIIIe dynastie, vers 1380 avant J.-C. Extraits |
Les riches Égyptiens, particulièrement les pharaons, se font momifier pour préparer la vie éternelle. Les momies sont placées dans des sarcophages (cercueils) et
certaines dans de vastes tombeaux (qu’il ne faut pas confondre avec des temples) :
1) des pyramides. Celle du pharaon Khéphren fait 145 m de haut sur 215 m de base.
2) plus tard des mastabas, avec une partie souterraine et une partie aérienne
3) enfin dans des hypogées entièrement creusés dans la roche.
IV. L'INVENTION DE L'ECRITURE
Il est particulièrement utile de feuilleter le site de la Bibliothèque nationale de France consacré à l’apparition des écritures :http://classes.bnf.fr/dossiecr/index.htm
« Genèse d'une invention
L'écriture naît du besoin de tenir des comptes, d'établir des listes. Les premiers aide-mémoire sont des tablettes d'argile, matière abondante dans les vallées du Proche-Orient. L'écriture apparaît pour la première fois, vers 3300 avant Jésus-Christ, au pays de Sumer, au cours d'une période de mutations profondes qui coïncident avec l'apparition des villes. Les conditions politiques, sociales et culturelles nécessaires à son invention sont alors réunies. Dans le sud du pays, la cité d'Uruk est prospère et développe des échanges à longue distance pour importer les matières premières qui lui font défaut. Le temple de la divinité tutélaire devient un grand centre administratif, placé sous l'autorité d'un chef à la fois politique et religieux, le « roi-prêtre ». Les relations deviennent complexes. les administrateurs du temple doivent gérer les mouvements du personnel, les salaires, les entrées et les sorties des troupeaux et des marchandises. Comme la mémoire humaine est limitée, il devient nécessaire de trouver un système de référence nouveau et unifié permettant de conserver les informations orales, puis de restituer le langage. C'est ainsi que l'écriture est née. Elle représente en images des symboles de la société. De nouveaux concepts furent donc figurés de façon abstraite dès les premiers essais de l'écriture. C'est le cas de l'animal le plus souvent compté: le mouton. Ce mot fut d'abord représenté par une croix dans un cercle: c'est l'animal dans son enclos. Simple aide-mémoire à l’origine, l’écriture se développe progressivement au cours des siècles suivants dans sa forme et son contenu. »
Béatrice André-Salvini, assyriologue, conservateur aux antiquités orientales du musée du Louvre, « Genèse d’une invention », dans Le Courrier de l’Unesco, Aux sources de l’écriture, n° avril 1995, p. 11-12. |
1) Où est née l’écriture ?
Uruk (Sumer, Mésopotamie).
2) À quelle époque est née l’écriture ?
Vers 3 300 avant J.-C. (fin du IVe millénaire).
3) Quel matériau utilise-t-on pour écrire ?
Argile (terre) sous forme de tablette.
4) Que représente-t-on par cette écriture ?
- des images
- puis des symboles abstraits.
5) Qui utilise l’écriture ?
les détenteurs du pouvoir politique et religieux (administrateurs), en particulier les scribes.
6) Qu’est-ce qui est mis par écrit ?
Des comptes et des listes :
- du personnel et de leurs salaires
- des troupeaux et des marchandises.
7) À quoi sert l’écriture ?
Aide-mémoire :
- conserver des informations orales (garder en mémoire)
- restituer le langage oral.
Bilan : à quels besoins répond l'invention de l'écriture ?
- à gouverner
- à honorer les dieux
- à commercer
- à garder en mémoire
- à communiquer à distance.
L’écriture est un système de signes qui permet de mettre le langage oral par écrit.
1) Les premières écritures
Les calculis
Les premiers signes inventés servent à compter, sous forme de jetons, appelés calculis.
Les pictogrammes
Le plus ancien système de signe apparaît vers 3300 avant J.-C. et utilise des dessins : les pictogrammes.
Le cunéiforme
Vers 2800-2600, les traits se simplifient et deviennent plus abstraits pour former l’écriture cunéiforme (en forme de coins, du latin cuneus, ou de clous).
Un exemple d'écriture cunéiforme.
Les hiéroglyphes
Vers 3100, en Égypte, apparaît l’écriture des hiéroglyphes (appellation grecque qui veut dire « écriture des dieux ») qui expriment une idée ou un son.
Seules quelques personnes savent lire et écrire, car la maîtrise de l’écriture est complexe : c’est une affaire de spécialistes, les scribes.
2) L’invention de l’alphabet
Les Phéniciens créent progressivement un système plus simple, à partir de l’écriture cunéiforme : l’alphabet (du nom des deux premières lettres) vers 1200 avant J.-C. Tous les mots peuvent s’écrire avec un nombre limité (une trentaine) de signes. Une combinaison de plusieurs signes permet d’obtenir un son syllabique.
Un exemple d'écriture
alphabétique phénicienne.
Remarque : tous les alphabets du monde entier (punique, grec, latin, hébreux, arabe, berbère…) procèdent de l’alphabet phénicien, qui n’écrit que les consonnes : les Grecs ajoutent l’écriture des voyelles et inversent le sens de l’écriture de droite à gauche. L’alphabet se diffuse autour de la Méditerranée vers 900 et gagne la Grèce un siècle plus tard.
Pour avoir une idée de la diversité des alphabets : http://pedroiy.free.fr/alphabets/index.php
systèmes |
signes représentant |
idéographiques |
- un objet (pictogramme) - une idée (idéogramme) |
syllabiques |
des sons |
alphabétiques |
des sons décomposés |
Les supports de l’écriture :
- Mésopotamie : tablettes d’argile
- Égypte : papyrus (qui donnera plus tard le mot « papier »)
- Autres matériaux : os, bois, pierre, métal, cire…
3) Autres lieux de l’invention de l’écriture
- Indus (Inde) : 2300 avant J.-C.
- Chine : idéogrammes, 1500 avant J.-C.
- Maya (Amérique centrale) : glyphes, 400 avant J.-C.
- Éthiopie et Nubie (Afrique) : IIe siècle après J.-C.
Remarques : l’invention de l’écriture :
- est considérée traditionnellement (c’est une convention) comme le début de l’histoire.
- rend l’étude de la vie des hommes davantage possible
- mais provoque une distorsion difficile à éviter : la période historique est généralement surévaluée par rapport à la période préhistorique. Ainsi, l’origine des États est certainement plus ancienne encore. Nombre de conceptions, qui généralement n’ont pas de trace matérielle, ont par suite tendance à être placées exclusivement dans la période historique.