Récits de la fondation de Massalia - Marseille - une cité grecque - 6e
RÉCITS DE LA FONDATION DE MASSALIA/MARSEILLE
I. LA VERSION DE STRABON (Ier siècle avant J.-C.), IV, 1, 4
« Marseille est une fondation des Phocéens. Elle est située sur un terrain rocheux. Son port se trouve au pied d'une falaise en amphithéâtre qui regarde vers le midi. Elle est solidement fortifiée, de même que l'ensemble de la ville dont la dimension est considérable. Sur l'acropole sont fondés l'Ephésion et le sanctuaire d'Apollon Delphinien. Ce dernier culte est commun à tous les Ioniens, mais l'Ephésion est le temple réservé à l'Artémis d'Ephèse. Au moment où les Phocéens levaient l'ancre pour quitter leur patrie, un oracle leur tomba du ciel, dit-on, de prendre pour pilote de leur navigation ce qu'ils trouveraient auprès de l'Artémis d'Ephèse. S'étant portés à Ephèse, ils cherchèrent comment obtenir de la déesse ce qui leur était prescrit. Aristarchè, une des femmes les plus honorées, vit en songe la déesse à côté d'elle lui ordonner de s'embarquer avec les Phocéens en emportant une copie des objets sacrés. Ainsi fut fait et, quand les colons arrivèrent au terme de leur expédition, ils fondèrent le sanctuaire et conférèrent à Aristarchè une marque d'honneur toute particulière en l'élisant prêtresse. Dans toutes les cités qu'ils ont colonisées, ils adorent cette divinité avant les autres. Ils conservent à sa statue de culte la même attitude et à son culte les mêmes rites que dans la métropole. »
II. LA VERSION DE JUSTIN (IIe siècle ap. J.-C.), XLIII, 3, 4-12
«Au temps du roi Tarquin, venant d'Asie, une troupe de jeunes Phocéens aborda à l'embouchure du Tibre et se lia d'amitié avec les Romains. Puis elle fit voile vers les golfes les plus reculés de la Gaule et fonda Marseille entre les Ligures et les sauvages tribus des Gaulois. Elle accomplit de grands exploits, soit en se protégeant par les armes contre la barbarie gauloise, soi en rendant leurs attaques à ceux qui l'avaient précédemment attaquée. Les Phocéens, contraints par l'exiguïté et la maigreur de leur territoire, exploitaient plus volontiers la mer que la terre. La pêche et le commerce, souvent même la piraterie qui, en ces temps anciens, étaient en honneur, leur fournissaient de quoi vivre. Aussi n’eurent-ils pas peur de d’avancer jusqu’à l’extrême bord de l’océan, ce qui les conduisit à un golfe gaulois à l’embouchure du Rhône. Séduits par l’agrément du site, ils rentrèrent chez eux, rapportèrent ce qu’ils avaient vu et attirèrent une troupe plus nombreuse. Les chefs de la troupe étaient Simos et Protis. Ils allèrent trouver le roi des Ségobriges, appelé Nannus, sur le territoire duquel ils avaient l'intention de fonder une ville, pour lui demander son amitié. Il se trouva que, ce jour-là, le roi était occupé à préparer les noces de sa fille Gyptis. Selon la coutume locale, le gendre devait être choisi au cours du banquet et il se disposait à la lui donner alors en mariage. Aux noces avaient été invités tous les prétendants. Le roi convia aussi ses hôtes grecs au dîner. La jeune fille fut introduite, son père la pria d'offrir l'eau à celui qu'elle choisissait pour mari. Alors, tournant le dos à tout le monde, elle se dirige vers les Grecs et tend l'eau à Protis qui, d'hôte devenu gendre, reçut de son beau-père un emplacement pour y fonder une ville. Marseille fut ainsi fondée près de l'embouchure du Rhône dans un golfe écarté, comme dans un angle de la mer. »
III. LA VERSION D’ATHÉNÉE (IIIe siècle ap. J.-C.), XIII, 576 a-b
« Les Phocéens, qui pratiquaient le commerce maritime en Ionie, fondèrent Marseille. Le Phocéen Euxénos était l'hôte du roi Nanos – tel était son nom. Ce Nanos allait célébrer les noces de sa fille quand survint Euxénos. Il l'invita au banquet. Le mariage devait avoir lieu de la manière suivante : après le dîner, la jeune fille entrerait et offrirait une coupe de vin à qui elle voudrait parmi les prétendants présents. L'élu deviendrait son fiancé. La jeune fille entre et, que le hasard ou quelque autre raison l'ait incitée, elle offre la coupe à Euxénos. Son nom était Petta. Là-dessus, le père lui demande s'il accepte de l'épouser. Dans sa pensée, c'était un dieu qui avait inspiré son geste. Euxénos la prit pour femme, fonda un foyer avec elle et changea son nom en celui d'Aristoxénè. Il y a de nos jours encore à Marseille, descendant de cette femme, une lignée qui porte le nom de Protiadai, car Protis fut le fils d'Euxénos et d'Aristoxénè. »