Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
HISTOIRE GEOGRAPHIE CITOYENNETE

Zeev Sternhell et les origines françaises du fascisme

21 Septembre 2010, 23:24pm

Publié par histege

 

ZEEV STERNHELL

ET LES ORIGINES FRANÇAISES DU FASCISME

 

 

    L’historien Zeev Sternhell, né en 1935 persiste et signe. Après avoir étudié le nationalisme de Maurice Barrès, il a mis en lumière historiographique l’existence d’une nouvelle droite, la droite révolutionnaire qui ne paraissait pas dans la trilogie célèbre précédemment définie, en 1954, par l’historien René Rémond. Celle-ci circonscrivait trois droites : légitimiste, bonapartiste, orléaniste. Sternhell allait plus loin : le fascisme naît en France dans les années 1880 et 1890 (contexte alors fortement marqué par la défaite de 1870 face à la Prusse). C’est un corps de doctrine qui se met en place en même temps que la droite révolutionnaire. Bon nombre d’historiens français, qui ne frayaient pas dans ce sens (cela tient-il de l’impensé ?), se sont évertués à démontrer le contraire. À l’occasion de son dernier livre (Les Anti-Lumières, une tradition du XVIIIe siècle à la guerre froide, Paris, 2010, Gallimard, 942 p.), il maintient le résultat de ses travaux, dans un entretien :

 

 

Omar Merzoug – (…) Est-ce que vous maintenez, d’une part, que le fascisme a des origines françaises et, d’autre part, que les idées fascistes avaient réalisé une profonde pénétration en France à la veille de la Seconde Guerre mondiale ?

 

Zeev Sternhell – Je maintiens non seulement ces deux idées-là mais plus je travaille sur ces questions, plus je suis convaincu que les choses sont telles que je les dis dans mes ouvrages. J'ai commencé mon travail en m'intéressant au nationalisme de Maurice Barrès. Dans le droit fil de mon intérêt pour Barrès, j'ai commis un livre qui s'appelle La Droite révolutionnaire, et c'est un concept que j'ai forgé dans les années 1970, car je me suis aperçu que la droite n'était pas toujours réactionnaire, conservatrice, modérée, libérale mais qu'il existait bien une droite révolutionnaire. Je me suis alors posé la question des origines de cette droite, ce qui constituait ses idées originales, en quoi consistait son originalité et cela s'appliquait à la période de la fin du XIXe siècle jusqu'à la Première Guerre mondiale. Là je suis parvenu à la conviction que la Première Guerre mondiale ne constitue en rien le début du XXe siècle, en termes d'idéologie, de pensée, ces idées-là, celles de la droite révolutionnaire, étaient déjà bien constituées et structurées avant la Première Guerre mondiale.

Celle-ci n'a pas créé le désastre du XXe siècle, tous les malheurs du XXe siècle, elle n'est pas à l'origine du totalitarisme, du fascisme, du nazisme et du stalinisme, bien que ce soit commode de désigner ainsi un responsable unique d'où viennent tous les malheurs. Je crois que cette idée est historiquement fausse. Et c'est en travaillant sur le tournant du siècle que je me suis aperçu que les fondements du fascisme étaient déjà là et que j'ai découvert une chose assez extraordinaire, pas toujours bien reçue par tous, c'est que ces idées-là avaient pris racine en France avant qu'elles mûrissent en Italie. Celle-ci a mis presque vingt ans à en arriver là où en France on était parvenu dans les années 1880 et 1890 en France. Pourquoi ? Précisément parce que la révolte contre la démocratie libérale, contre les idées associées aux Lumières et la Révolution française a éclaté d'abord en France parce que c'était la société libérale la plus avancée du continent européen. C'est en France que cette révolte a été la plus dure précisément parce qu'il existait une réalité démocratique et libérale qui n'existait pas ailleurs dans les pays voisins (l'Angleterre étant un cas à part). Les origines étaient là et ensuite ces idées se sont développées de telle sorte qu'en effet à la veille de la Seconde Guerre mondiale ces idées avaient imprégné de larges secteurs de la société à commencer par l'intelligentsia. »

 

    Extrait de La Quinzaine littéraire, n° 1021, 1er-15 septembre 2010, p. 20.

Commenter cet article